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10 Mon âme est dégoûtée de la vie! Je donnerai cours à ma plainte, Je parlerai dans l'amertume de mon âme.

Je dis à Dieu: Ne me condamne pas! Fais-moi savoir pourquoi tu me prends à partie!

Te paraît-il bien de maltraiter, De repousser l'ouvrage de tes mains, Et de faire briller ta faveur sur le conseil des méchants?

As-tu des yeux de chair, Vois-tu comme voit un homme?

Tes jours sont-ils comme les jours de l'homme, Et tes années comme ses années,

Pour que tu recherches mon iniquité, Pour que tu t'enquières de mon péché,

Sachant bien que je ne suis pas coupable, Et que nul ne peut me délivrer de ta main?

Tes mains m'ont formé, elles m'ont créé, Elles m'ont fait tout entier... Et tu me détruirais!

Souviens-toi que tu m'as façonné comme de l'argile; Voudrais-tu de nouveau me réduire en poussière?

10 Ne m'as-tu pas coulé comme du lait? Ne m'as-tu pas caillé comme du fromage?

11 Tu m'as revêtu de peau et de chair, Tu m'as tissé d'os et de nerfs;

12 Tu m'as accordé ta grâce avec la vie, Tu m'as conservé par tes soins et sous ta garde.

13 Voici néanmoins ce que tu cachais dans ton coeur, Voici, je le sais, ce que tu as résolu en toi-même.

14 Si je pèche, tu m'observes, Tu ne pardonnes pas mon iniquité.

15 Suis-je coupable, malheur à moi! Suis-je innocent, je n'ose lever la tête, Rassasié de honte et absorbé dans ma misère.

16 Et si j'ose la lever, tu me poursuis comme un lion, Tu me frappes encore par des prodiges.

17 Tu m'opposes de nouveaux témoins, Tu multiplies tes fureurs contre moi, Tu m'assailles d'une succession de calamités.

18 Pourquoi m'as-tu fait sortir du sein de ma mère? Je serais mort, et aucun oeil ne m'aurait vu;

19 Je serais comme si je n'eusse pas existé, Et j'aurais passé du ventre de ma mère au sépulcre.

20 Mes jours ne sont-ils pas en petit nombre? Qu'il me laisse, Qu'il se retire de moi, et que je respire un peu,

21 Avant que je m'en aille, pour ne plus revenir, Dans le pays des ténèbres et de l'ombre de la mort,

22 Pays d'une obscurité profonde, Où règnent l'ombre de la mort et la confusion, Et où la lumière est semblable aux ténèbres.

11 Tsophar de Naama prit la parole et dit:

Cette multitude de paroles ne trouvera-t-elle point de réponse, Et suffira-t-il d'être un discoureur pour avoir raison?

Tes vains propos feront-ils taire les gens? Te moqueras-tu, sans que personne te confonde?

Tu dis: Ma manière de voir est juste, Et je suis pur à tes yeux.

Oh! si Dieu voulait parler, S'il ouvrait les lèvres pour te répondre,

Et s'il te révélait les secrets de sa sagesse, De son immense sagesse, Tu verrais alors qu'il ne te traite pas selon ton iniquité.

Prétends-tu sonder les pensées de Dieu, Parvenir à la connaissance parfaite du Tout Puissant?

Elle est aussi haute que les cieux: que feras-tu? Plus profonde que le séjour des morts: que sauras-tu?

La mesure en est plus longue que la terre, Elle est plus large que la mer.

10 S'il passe, s'il saisit, S'il traîne à son tribunal, qui s'y opposera?

11 Car il connaît les vicieux, Il voit facilement les coupables.

12 L'homme, au contraire, a l'intelligence d'un fou, Il est né comme le petit d'un âne sauvage.

13 Pour toi, dirige ton coeur vers Dieu, Étends vers lui tes mains,

14 Éloigne-toi de l'iniquité, Et ne laisse pas habiter l'injustice sous ta tente.

15 Alors tu lèveras ton front sans tache, Tu seras ferme et sans crainte;

16 Tu oublieras tes souffrances, Tu t'en souviendras comme des eaux écoulées.

17 Tes jours auront plus d'éclat que le soleil à son midi, Tes ténèbres seront comme la lumière du matin,

18 Tu seras plein de confiance, et ton attente ne sera plus vaine; Tu regarderas autour de toi, et tu reposeras en sûreté.

19 Tu te coucheras sans que personne ne trouble, Et plusieurs caresseront ton visage.

20 Mais les yeux des méchants seront consumés; Pour eux point de refuge; La mort, voilà leur espérance!

12 Job prit la parole et dit:

On dirait, en vérité, que le genre humain c'est vous, Et qu'avec vous doit mourir la sagesse.

J'ai tout aussi bien que vous de l'intelligence, moi, Je ne vous suis point inférieur; Et qui ne sait les choses que vous dites?

Je suis pour mes amis un objet de raillerie, Quand j'implore le secours de Dieu; Le juste, l'innocent, un objet de raillerie!

Au malheur le mépris! c'est la devise des heureux; A celui dont le pied chancelle est réservé le mépris.

Il y a paix sous la tente des pillards, Sécurité pour ceux qui offensent Dieu, Pour quiconque se fait un dieu de sa force.

Interroge les bêtes, elles t'instruiront, Les oiseaux du ciel, ils te l'apprendront;

Parle à la terre, elle t'instruira; Et les poissons de la mer te le raconteront.

Qui ne reconnaît chez eux la preuve Que la main de l'Éternel a fait toutes choses?

10 Il tient dans sa main l'âme de tout ce qui vit, Le souffle de toute chair d'homme.

11 L'oreille ne discerne-t-elle pas les paroles, Comme le palais savoure les aliments?

12 Dans les vieillards se trouve la sagesse, Et dans une longue vie l'intelligence.

13 En Dieu résident la sagesse et la puissance. Le conseil et l'intelligence lui appartiennent.

14 Ce qu'il renverse ne sera point rebâti, Celui qu'il enferme ne sera point délivré.

15 Il retient les eaux et tout se dessèche; Il les lâche, et la terre en est dévastée.

16 Il possède la force et la prudence; Il maîtrise celui qui s'égare ou fait égarer les autres.

17 Il emmène captifs les conseillers; Il trouble la raison des juges.

18 Il délie la ceinture des rois, Il met une corde autour de leurs reins.

19 Il emmène captifs les sacrificateurs; Il fait tomber les puissants.

20 Il ôte la parole à ceux qui ont de l'assurance; Il prive de jugement les vieillards.

21 Il verse le mépris sur les grands; Il relâche la ceinture des forts.

22 Il met à découvert ce qui est caché dans les ténèbres, Il produit à la lumière l'ombre de la mort.

23 Il donne de l'accroissement aux nations, et il les anéantit; Il les étend au loin, et il les ramène dans leurs limites.

24 Il enlève l'intelligence aux chefs des peuples, Il les fait errer dans les déserts sans chemin;

25 Ils tâtonnent dans les ténèbres, et ne voient pas clair; Il les fait errer comme des gens ivres.

13 Voici, mon oeil a vu tout cela, Mon oreille l'a entendu et y a pris garde.

Ce que vous savez, je le sais aussi, Je ne vous suis point inférieur.

Mais je veux parler au Tout Puissant, Je veux plaider ma cause devant Dieu;

Car vous, vous n'imaginez que des faussetés, Vous êtes tous des médecins de néant.

Que n'avez-vous gardé le silence? Vous auriez passé pour avoir de la sagesse.

Écoutez, je vous prie, ma défense, Et soyez attentifs à la réplique de mes lèvres.

Direz-vous en faveur de Dieu ce qui est injuste, Et pour le soutenir alléguerez-vous des faussetés?

Voulez-vous avoir égard à sa personne? Voulez-vous plaider pour Dieu?

S'il vous sonde, vous approuvera-t-il? Ou le tromperez-vous comme on trompe un homme?

10 Certainement il vous condamnera, Si vous n'agissez en secret que par égard pour sa personne.

11 Sa majesté ne vous épouvantera-t-elle pas? Sa terreur ne tombera-t-elle pas sur vous?

12 Vos sentences sont des sentences de cendre, Vos retranchements sont des retranchements de boue.

13 Taisez-vous, laissez-moi, je veux parler! Il m'en arrivera ce qu'il pourra.

14 Pourquoi saisirais-je ma chair entre les dents? J'exposerai plutôt ma vie.

15 Voici, il me tuera; je n'ai rien à espérer; Mais devant lui je défendrai ma conduite.

16 Cela même peut servir à mon salut, Car un impie n'ose paraître en sa présence.

17 Écoutez, écoutez mes paroles, Prêtez l'oreille à ce que je vais dire.

18 Me voici prêt à plaider ma cause; Je sais que j'ai raison.

19 Quelqu'un disputera-t-il contre moi? Alors je me tais, et je veux mourir.

20 Seulement, accorde-moi deux choses Et je ne me cacherai pas de loin de ta face:

21 Retire ta main de dessus moi, Et que tes terreurs ne me troublent plus.

22 Puis appelle, et je répondrai, Ou si je parle, réponds-moi!

23 Quel est le nombre de mes iniquités et de mes péchés? Fais-moi connaître mes transgressions et mes péchés.

24 Pourquoi caches-tu ton visage, Et me prends-tu pour ton ennemi?

25 Veux-tu frapper une feuille agitée? Veux-tu poursuivre une paille desséchée?

26 Pourquoi m'infliger d'amères souffrances, Me punir pour des fautes de jeunesse?

27 Pourquoi mettre mes pieds dans les ceps, Surveiller tous mes mouvements, Tracer une limite à mes pas,

28 Quand mon corps tombe en pourriture, Comme un vêtement que dévore la teigne?

14 L'homme né de la femme! Sa vie est courte, sans cesse agitée.

Il naît, il est coupé comme une fleur; Il fuit et disparaît comme une ombre.

Et c'est sur lui que tu as l'oeil ouvert! Et tu me fais aller en justice avec toi!

Comment d'un être souillé sortira-t-il un homme pur? Il n'en peut sortir aucun.

Si ses jours sont fixés, si tu as compté ses mois, Si tu en as marqué le terme qu'il ne saurait franchir,

Détourne de lui les regards, et donne-lui du relâche, Pour qu'il ait au moins la joie du mercenaire à la fin de sa journée.

Un arbre a de l'espérance: Quand on le coupe, il repousse, Il produit encore des rejetons;

Quand sa racine a vieilli dans la terre, Quand son tronc meurt dans la poussière,

Il reverdit à l'approche de l'eau, Il pousse des branches comme une jeune plante.

10 Mais l'homme meurt, et il perd sa force; L'homme expire, et où est-il?

11 Les eaux des lacs s'évanouissent, Les fleuves tarissent et se dessèchent;

12 Ainsi l'homme se couche et ne se relèvera plus, Il ne se réveillera pas tant que les cieux subsisteront, Il ne sortira pas de son sommeil.

13 Oh! si tu voulais me cacher dans le séjour des morts, M'y tenir à couvert jusqu'à ce que ta colère fût passée, Et me fixer un terme auquel tu te souviendras de moi!

14 Si l'homme une fois mort pouvait revivre, J'aurais de l'espoir tout le temps de mes souffrances, Jusqu'à ce que mon état vînt à changer.

15 Tu appellerais alors, et je te répondrais, Tu languirais après l'ouvrage de tes mains.

16 Mais aujourd'hui tu comptes mes pas, Tu as l'oeil sur mes péchés;

17 Mes transgressions sont scellées en un faisceau, Et tu imagines des iniquités à ma charge.

18 La montagne s'écroule et périt, Le rocher disparaît de sa place,

19 La pierre est broyée par les eaux, Et la terre emportée par leur courant; Ainsi tu détruis l'espérance de l'homme.

20 Tu es sans cesse à l'assaillir, et il s'en va; Tu le défigures, puis tu le renvoies.

21 Que ses fils soient honorés, il n'en sait rien; Qu'ils soient dans l'abaissement, il l'ignore.

22 C'est pour lui seul qu'il éprouve de la douleur en son corps, C'est pour lui seul qu'il ressent de la tristesse en son âme.

15 Éliphaz de Théman prit la parole et dit:

Le sage répond-il par un vain savoir? Se gonfle-t-il la poitrine du vent d'orient?

Est-ce par d'inutiles propos qu'il se défend? Est-ce par des discours qui ne servent à rien?

Toi, tu détruis même la crainte de Dieu, Tu anéantis tout mouvement de piété devant Dieu.

Ton iniquité dirige ta bouche, Et tu prends le langage des hommes rusés.

Ce n'est pas moi, c'est ta bouche qui te condamne. Ce sont tes lèvres qui déposent contre toi.

Es-tu né le premier des hommes? As-tu été enfanté avant les collines?

As-tu reçu les confidences de Dieu? As-tu dérobé la sagesse à ton profit?

Que sais-tu que nous ne sachions pas? Quelle connaissance as-tu que nous n'ayons pas?

10 Il y a parmi nous des cheveux blancs, des vieillards, Plus riches de jours que ton père.

11 Tiens-tu pour peu de chose les consolations de Dieu, Et les paroles qui doucement se font entendre à toi?...

12 Où ton coeur t'entraîne-t-il, Et que signifie ce roulement de tes yeux?

13 Quoi! c'est contre Dieu que tu tournes ta colère Et que ta bouche exhale de pareils discours!

14 Qu'est-ce que l'homme, pour qu'il soit pur? Celui qui est né de la femme peut-il être juste?

15 Si Dieu n'a pas confiance en ses saints, Si les cieux ne sont pas purs devant lui,

16 Combien moins l'être abominable et pervers, L'homme qui boit l'iniquité comme l'eau!

17 Je vais te parler, écoute-moi! Je raconterai ce que j'ai vu,

18 Ce que les sages ont fait connaître, Ce qu'ils ont révélé, l'ayant appris de leurs pères.

19 A eux seuls appartenait le pays, Et parmi eux nul étranger n'était encore venu.

20 Le méchant passe dans l'angoisse tous les jours de sa vie, Toutes les années qui sont le partage de l'impie.

21 La voix de la terreur retentit à ses oreilles; Au sein de la paix, le dévastateur va fondre sur lui;

22 Il n'espère pas échapper aux ténèbres, Il voit l'épée qui le menace;

23 Il court çà et là pour chercher du pain, Il sait que le jour des ténèbres l'attend.

24 La détresse et l'angoisse l'épouvantent, Elles l'assaillent comme un roi prêt à combattre;

25 Car il a levé la main contre Dieu, Il a bravé le Tout Puissant,

26 Il a eu l'audace de courir à lui Sous le dos épais de ses boucliers.

27 Il avait le visage couvert de graisse, Les flancs chargés d'embonpoint;

28 Et il habite des villes détruites, Des maisons abandonnées, Sur le point de tomber en ruines.

29 Il ne s'enrichira plus, sa fortune ne se relèvera pas, Sa prospérité ne s'étendra plus sur la terre.

30 Il ne pourra se dérober aux ténèbres, La flamme consumera ses rejetons, Et Dieu le fera périr par le souffle de sa bouche.

31 S'il a confiance dans le mal, il se trompe, Car le mal sera sa récompense.

32 Elle arrivera avant le terme de ses jours, Et son rameau ne verdira plus.

33 Il sera comme une vigne dépouillée de ses fruits encore verts, Comme un olivier dont on a fait tomber les fleurs.

34 La maison de l'impie deviendra stérile, Et le feu dévorera la tente de l'homme corrompu.

35 Il conçoit le mal et il enfante le mal, Il mûrit dans son sein des fruits qui le trompent.

16 Job prit la parole et dit:

J'ai souvent entendu pareilles choses; Vous êtes tous des consolateurs fâcheux.

Quand finiront ces discours en l'air? Pourquoi cette irritation dans tes réponses?

Moi aussi, je pourrais parler comme vous, Si vous étiez à ma place: Je vous accablerais de paroles, Je secouerais sur vous la tête,

Je vous fortifierais de la bouche, Je remuerais les lèvres pour vous soulager.

Si je parle, mes souffrances ne seront point calmées, Si je me tais, en quoi seront-elles moindres?

Maintenant, hélas! il m'a épuisé... Tu as ravagé toute ma maison;

Tu m'as saisi, pour témoigner contre moi; Ma maigreur se lève, et m'accuse en face.

Il me déchire et me poursuit dans sa fureur, Il grince des dents contre moi, Il m'attaque et me perce de son regard.

10 Ils ouvrent la bouche pour me dévorer, Ils m'insultent et me frappent les joues, Ils s'acharnent tous après moi.

11 Dieu me livre à la merci des impies, Il me précipite entre les mains des méchants.

12 J'étais tranquille, et il m'a secoué, Il m'a saisi par la nuque et m'a brisé, Il a tiré sur moi comme à un but.

13 Ses traits m'environnent de toutes parts; Il me perce les reins sans pitié, Il répand ma bile sur la terre.

14 Il me fait brèche sur brèche, Il fond sur moi comme un guerrier.

15 J'ai cousu un sac sur ma peau; J'ai roulé ma tête dans la poussière.

16 Les pleurs ont altéré mon visage; L'ombre de la mort est sur mes paupières.

17 Je n'ai pourtant commis aucune violence, Et ma prière fut toujours pure.

18 O terre, ne couvre point mon sang, Et que mes cris prennent librement leur essor!

19 Déjà maintenant, mon témoin est dans le ciel, Mon témoin est dans les lieux élevés.

20 Mes amis se jouent de moi; C'est Dieu que j'implore avec larmes.

21 Puisse-t-il donner à l'homme raison contre Dieu, Et au fils de l'homme contre ses amis!

22 Car le nombre de mes années touche à son terme, Et je m'en irai par un sentier d'où je ne reviendrai pas.

17 Mon souffle se perd, Mes jours s'éteignent, Le sépulcre m'attend.

Je suis environné de moqueurs, Et mon oeil doit contempler leurs insultes.

Sois auprès de toi-même ma caution; Autrement, qui répondrait pour moi?

Car tu as fermé leur coeur à l'intelligence; Aussi ne les laisseras-tu pas triompher.

On invite ses amis au partage du butin, Et l'on a des enfants dont les yeux se consument.

Il m'a rendu la fable des peuples, Et ma personne est un objet de mépris.

Mon oeil est obscurci par la douleur; Tous mes membres sont comme une ombre.

Les hommes droits en sont stupéfaits, Et l'innocent se soulève contre l'impie.

Le juste néanmoins demeure ferme dans sa voie, Celui qui a les mains pures se fortifie de plus en plus.

10 Mais vous tous, revenez à vos mêmes discours, Et je ne trouverai pas un sage parmi vous.

11 Quoi! mes jours sont passés, mes projets sont anéantis, Les projets qui remplissaient mon coeur...

12 Et ils prétendent que la nuit c'est le jour, Que la lumière est proche quand les ténèbres sont là!

13 C'est le séjour des morts que j'attends pour demeure, C'est dans les ténèbres que je dresserai ma couche;

14 Je crie à la fosse: Tu es mon père! Et aux vers: Vous êtes ma mère et ma soeur!

15 Mon espérance, où donc est-elle? Mon espérance, qui peut la voir?

16 Elle descendra vers les portes du séjour des morts, Quand nous irons ensemble reposer dans la poussière.

18 Bildad de Schuach prit la parole et dit:

Quand mettrez-vous un terme à ces discours? Ayez de l'intelligence, puis nous parlerons.

Pourquoi sommes-nous regardés comme des bêtes? Pourquoi ne sommes-nous à vos yeux que des brutes?

O toi qui te déchires dans ta fureur, Faut-il, à cause de toi, que la terre devienne déserte? Faut-il que les rochers disparaissent de leur place?

La lumière du méchant s'éteindra, Et la flamme qui en jaillit cessera de briller.

La lumière s'obscurcira sous sa tente, Et sa lampe au-dessus de lui s'éteindra.

Ses pas assurés seront à l'étroit; Malgré ses efforts, il tombera.

Car il met les pieds sur un filet, Il marche dans les mailles,

Il est saisi au piège par le talon, Et le filet s'empare de lui;

10 Le cordeau est caché dans la terre, Et la trappe est sur son sentier.

11 Des terreurs l'assiègent, l'entourent, Le poursuivent par derrière.

12 La faim consume ses forces, La misère est à ses côtés.

13 Les parties de sa peau sont l'une après l'autre dévorées, Ses membres sont dévorés par le premier-né de la mort.

14 Il est arraché de sa tente où il se croyait en sûreté, Il se traîne vers le roi des épouvantements.

15 Nul des siens n'habite sa tente, Le soufre est répandu sur sa demeure.

16 En bas, ses racines se dessèchent; En haut, ses branches sont coupées.

17 Sa mémoire disparaît de la terre, Son nom n'est plus sur la face des champs.

18 Il est poussé de la lumière dans les ténèbres, Il est chassé du monde.

19 Il ne laisse ni descendants ni postérité parmi son peuple, Ni survivant dans les lieux qu'il habitait.

20 Les générations à venir seront étonnées de sa ruine, Et la génération présente sera saisie d'effroi.

21 Point d'autre destinée pour le méchant, Point d'autre sort pour qui ne connaît pas Dieu!

19 Job prit la parole et dit:

Jusques à quand affligerez-vous mon âme, Et m'écraserez-vous de vos discours?

Voilà dix fois que vous m'outragez; N'avez-vous pas honte de m'étourdir ainsi?

Si réellement j'ai péché, Seul j'en suis responsable.

Pensez-vous me traiter avec hauteur? Pensez-vous démontrer que je suis coupable?

Sachez alors que c'est Dieu qui me poursuit, Et qui m'enveloppe de son filet.

Voici, je crie à la violence, et nul ne répond; J'implore justice, et point de justice!

Il m'a fermé toute issue, et je ne puis passer; Il a répandu des ténèbres sur mes sentiers.

Il m'a dépouillé de ma gloire, Il a enlevé la couronne de ma tête.

10 Il m'a brisé de toutes parts, et je m'en vais; Il a arraché mon espérance comme un arbre.

11 Il s'est enflammé de colère contre moi, Il m'a traité comme l'un de ses ennemis.

12 Ses troupes se sont de concert mises en marche, Elles se sont frayé leur chemin jusqu'à moi, Elles ont campées autour de ma tente.

13 Il a éloigné de moi mes frères, Et mes amis se sont détournés de moi;

14 Je suis abandonné de mes proches, Je suis oublié de mes intimes.

15 Je suis un étranger pour mes serviteurs et mes servantes, Je ne suis plus à leurs yeux qu'un inconnu.

16 J'appelle mon serviteur, et il ne répond pas; Je le supplie de ma bouche, et c'est en vain.

17 Mon humeur est à charge à ma femme, Et ma plainte aux fils de mes entrailles.

18 Je suis méprisé même par des enfants; Si je me lève, je reçois leurs insultes.

19 Ceux que j'avais pour confidents m'ont en horreur, Ceux que j'aimais se sont tournés contre moi.

20 Mes os sont attachés à ma peau et à ma chair; Il ne me reste que la peau des dents.

21 Ayez pitié, ayez pitié de moi, vous, mes amis! Car la main de Dieu m'a frappé.

22 Pourquoi me poursuivre comme Dieu me poursuit? Pourquoi vous montrer insatiables de ma chair?

23 Oh! je voudrais que mes paroles fussent écrites, Qu'elles fussent écrites dans un livre;

24 Je voudrais qu'avec un burin de fer et avec du plomb Elles fussent pour toujours gravées dans le roc...

25 Mais je sais que mon Rédempteur est vivant, Et qu'il se lèvera le dernier sur la terre.

26 Quand ma peau sera détruite, il se lèvera; Quand je n'aurai plus de chair, je verrai Dieu.

27 Je le verrai, et il me sera favorable; Mes yeux le verront, et non ceux d'un autre; Mon âme languit d'attente au dedans de moi.

28 Vous direz alors: Pourquoi le poursuivions-nous? Car la justice de ma cause sera reconnue.

29 Craignez pour vous le glaive: Les châtiments par le glaive sont terribles! Et sachez qu'il y a un jugement.

20 Tsophar de Naama prit la parole et dit:

Mes pensées me forcent à répondre, Et mon agitation ne peut se contenir.

J'ai entendu des reproches qui m'outragent; Le souffle de mon intelligence donnera la réplique.

Ne sais-tu pas que, de tout temps, Depuis que l'homme a été placé sur la terre,

Le triomphe des méchants a été court, Et la joie de l'impie momentanée?

Quand il s'élèverait jusqu'aux cieux, Et que sa tête toucherait aux nues,

Il périra pour toujours comme son ordure, Et ceux qui le voyaient diront: Où est-il?

Il s'envolera comme un songe, et on ne le trouvera plus; Il disparaîtra comme une vision nocturne;

L'oeil qui le regardait ne le regardera plus, Le lieu qu'il habitait ne l'apercevra plus.

10 Ses fils seront assaillis par les pauvres, Et ses mains restitueront ce qu'il a pris par violence.

11 La vigueur de la jeunesse, qui remplissait ses membres, Aura sa couche avec lui dans la poussière.

12 Le mal était doux à sa bouche, Il le cachait sous sa langue,

13 Il le savourait sans l'abandonner, Il le retenait au milieu de son palais;

14 Mais sa nourriture se transformera dans ses entrailles, Elle deviendra dans son corps un venin d'aspic.

15 Il a englouti des richesses, il les vomira; Dieu les chassera de son ventre.

16 Il a sucé du venin d'aspic, La langue de la vipère le tuera.

17 Il ne reposera plus ses regards sur les ruisseaux, Sur les torrents, sur les fleuves de miel et de lait.

18 Il rendra ce qu'il a gagné, et n'en profitera plus; Il restituera tout ce qu'il a pris, et n'en jouira plus.

19 Car il a opprimé, délaissé les pauvres, Il a ruiné des maisons et ne les a pas rétablies.

20 Son avidité n'a point connu de bornes; Mais il ne sauvera pas ce qu'il avait de plus cher.

21 Rien n'échappait à sa voracité; Mais son bien-être ne durera pas.

22 Au milieu de l'abondance il sera dans la détresse; La main de tous les misérables se lèvera sur lui.

23 Et voici, pour lui remplir le ventre, Dieu enverra sur lui le feu de sa colère, Et le rassasiera par une pluie de traits.

24 S'il échappe aux armes de fer, L'arc d'airain le transpercera.

25 Il arrache de son corps le trait, Qui étincelle au sortir de ses entrailles, Et il est en proie aux terreurs de la mort.

26 Toutes les calamités sont réservées à ses trésors; Il sera consumé par un feu que n'allumera point l'homme, Et ce qui restera dans sa tente en deviendra la pâture.

27 Les cieux dévoileront son iniquité, Et la terre s'élèvera contre lui.

28 Les revenus de sa maison seront emportés, Ils disparaîtront au jour de la colère de Dieu.

29 Telle est la part que Dieu réserve au méchant, Tel est l'héritage que Dieu lui destine.

21 Job prit la parole et dit:

Écoutez, écoutez mes paroles, Donnez-moi seulement cette consolation.

Laissez-moi parler, je vous prie; Et, quand j'aurai parlé, tu pourras te moquer.

Est-ce contre un homme que se dirige ma plainte? Et pourquoi mon âme ne serait-elle pas impatiente?

Regardez-moi, soyez étonnés, Et mettez la main sur la bouche.

Quand j'y pense, cela m'épouvante, Et un tremblement saisit mon corps.

Pourquoi les méchants vivent-ils? Pourquoi les voit-on vieillir et accroître leur force?

Leur postérité s'affermit avec eux et en leur présence, Leurs rejetons prospèrent sous leurs yeux.

Dans leurs maisons règne la paix, sans mélange de crainte; La verge de Dieu ne vient pas les frapper.

10 Leurs taureaux sont vigoureux et féconds, Leurs génisses conçoivent et n'avortent point.

11 Ils laissent courir leurs enfants comme des brebis, Et les enfants prennent leurs ébats.

12 Ils chantent au son du tambourin et de la harpe, Ils se réjouissent au son du chalumeau.

13 Ils passent leurs jours dans le bonheur, Et ils descendent en un instant au séjour des morts.

14 Ils disaient pourtant à Dieu: Retire-toi de nous; Nous ne voulons pas connaître tes voies.

15 Qu'est-ce que le Tout Puissant, pour que nous le servions? Que gagnerions-nous à lui adresser nos prières?

16 Quoi donc! ne sont-ils pas en possession du bonheur? -Loin de moi le conseil des méchants!

17 Mais arrive-t-il souvent que leur lampe s'éteigne, Que la misère fonde sur eux, Que Dieu leur distribue leur part dans sa colère,

18 Qu'ils soient comme la paille emportée par le vent, Comme la balle enlevée par le tourbillon?

19 Est-ce pour les fils que Dieu réserve le châtiment du père? Mais c'est lui que Dieu devrait punir, pour qu'il le sente;

20 C'est lui qui devrait contempler sa propre ruine, C'est lui qui devrait boire la colère du Tout Puissant.

21 Car, que lui importe sa maison après lui, Quand le nombre de ses mois est achevé?

22 Est-ce à Dieu qu'on donnera de la science, A lui qui gouverne les esprits célestes?

23 L'un meurt au sein du bien-être, De la paix et du bonheur,

24 Les flancs chargés de graisse Et la moelle des os remplie de sève;

25 L'autre meurt, l'amertume dans l'âme, Sans avoir joui d'aucun bien.

26 Et tous deux se couchent dans la poussière, Tous deux deviennent la pâture des vers.

27 Je sais bien quelles sont vos pensées, Quels jugements iniques vous portez sur moi.

28 Vous dites: Où est la maison de l'homme puissant? Où est la tente qu'habitaient les impies?

29 Mais quoi! n'avez-vous point interrogé les voyageurs, Et voulez-vous méconnaître ce qu'ils prouvent?

30 Au jour du malheur, le méchant est épargné; Au jour de la colère, il échappe.

31 Qui lui reproche en face sa conduite? Qui lui rend ce qu'il a fait?

32 Il est porté dans un sépulcre, Et il veille encore sur sa tombe.

33 Les mottes de la vallée lui sont légères; Et tous après lui suivront la même voie, Comme une multitude l'a déjà suivie.

34 Pourquoi donc m'offrir de vaines consolations? Ce qui reste de vos réponses n'est que perfidie.