Job 29-30
La Bible du Semeur
Dernier discours de Job
Job évoque sa condition passée
29 Job prononça un autre discours et dit :
2 Qui me fera revivre |les saisons d’autrefois,
comme en ces jours passés |où Dieu veillait sur moi,
3 où il faisait briller |sa lampe sur ma tête
et qu’avec sa lumière |j’affrontais les ténèbres ?
4 Ah ! si j’étais encore |aux jours de ma vigueur,
quand ma demeure jouissait |de l’intimité avec Dieu,
5 et quand le Tout-Puissant |était encore à mes côtés,
et mes enfants |autour de moi,
6 quand je baignais mes pieds |dans le lait fermenté
et quand le roc versait |pour moi des torrents d’huile[a].
7 Lorsque je me rendais |aux portes de la ville,
quand je dressais mon siège |sur la place publique[b],
8 les jeunes me voyaient |et ils se retiraient,
les vieillards se levaient |et ils restaient debout[c],
9 les notables arrêtaient |leurs propos
et se mettaient |une main sur la bouche.
10 Les grands baissaient la voix
et ils tenaient leur langue |collée à leur palais.
11 Celui qui m’écoutait |me déclarait heureux,
celui qui me voyait |parlait de moi en bien.
12 Car je sauvais le pauvre |qui appelait à l’aide
ainsi que l’orphelin |privé de tout secours.
13 Ceux qui allaient mourir |me bénissaient,
et je mettais la joie |dans le cœur de la veuve.
14 J’endossais la justice : |c’était mon vêtement.
Ma robe et mon turban, |c’était ma probité.
15 J’étais l’œil de l’aveugle
et les pieds du boiteux,
16 et j’étais comme un père |pour ceux qui étaient pauvres.
J’examinais à fond |le cas des inconnus[d].
17 Je brisais les mâchoires |de l’homme inique
et je lui arrachais |la proie d’entre les dents.
18 Je me disais alors : |« Je mourrai dans mon nid,
j’aurai des jours nombreux |comme les grains de sable[e].
19 La source de l’eau vive |baignera mes racines,
la rosée passera |la nuit sur ma ramure.
20 Ma gloire auprès de moi |se renouvellera
et, dans ma main, |mon arc rajeunira. »
21 Alors on m’écoutait[f] |attendant mon avis
et l’on faisait silence |pour avoir mon conseil.
22 Lorsque j’avais parlé, |on ne discutait pas.
Ma parole, sur eux, |se répandait avec douceur.
23 Et ils comptaient sur moi |comme on attend la pluie.
Ils ouvraient grand la bouche, |comme pour recueillir |les ondées du printemps.
24 Quand je leur souriais |ils n’osaient pas y croire,
on ne pouvait éteindre |l’éclat de mon visage[g].
25 C’est moi qui choisissais |la voie qu’ils devaient suivre. |Je siégeais à leur tête,
je trônais comme un roi |au milieu de ses troupes,
comme un consolateur |pour les gens affligés.
Job évoque sa condition présente
30 Mais hélas, aujourd’hui |me voilà la risée |de gamins dont les pères
étaient si méprisables
que je n’aurais daigné |les mettre avec mes chiens |pour garder mon troupeau.
2 D’ailleurs, qu’aurais-je fait |des efforts de leurs bras ?
Leur vigueur s’en allait :
3 épuisés par la faim |et par les privations,
ils rôdaient dans la steppe
par une nuit |de dévastation et désolation.
4 Ils arrachaient l’herbe salée[h] |au milieu des buissons,
ils prenaient les racines |du genêt comme pain.
5 Ils ont été chassés |du milieu de leur peuple[i],
on criait après eux |comme après des voleurs.
6 Ils hantaient les cavernes |au flanc des précipices,
ils logeaient dans des grottes |ou des trous de la terre.
7 Au milieu des épines |retentissaient leurs cris,
ils se couchaient |à l’abri des broussailles.
8 Ces êtres insensés |et innommables
avaient été chassés |hors du pays.
9 Me voici devenu |l’objet de leurs chansons,
celui dont tous se moquent.
10 Ils ont horreur de moi, |et s’éloignent de moi,
ou bien, sans hésiter, |me crachent au visage.
11 Car il a détendu |la corde de mon arc, |et il m’a humilié.
Aussi n’ont-ils plus envers moi |la moindre retenue.
12 Ils sont nombreux[j], |à ma droite, ils se lèvent[k] |et me font perdre pied,
ils se fraient vers moi des chemins |pour précipiter mon malheur.
13 Ils coupent ma retraite, |travaillant à ma ruine,
sans avoir besoin d’aide.
14 Ils arrivent sur moi |par une large brèche,
ils vont et viennent en tous sens |comme dans un lieu dévasté.
15 La terreur m’envahit,
ma dignité s’évanouit |comme emportée par la tempête,
tout secours m’est ôté |comme passe un nuage.
16 Et maintenant, ma vie s’échappe[l].
Des jours d’affliction m’ont étreint.
17 Dans la nuit il perce mes os
et mes nerfs n’ont pas de repos[m].
18 Avec toute sa force, |il s’agrippe à mon vêtement[n],
comme un col, il m’enserre.
19 Il m’a précipité |au milieu de la fange,
et je ne vaux pas mieux |que poussière et que cendre.
20 De mes cris je t’implore, |et tu ne réponds pas.
Je me tiens devant toi |et tu ne fais rien d’autre |que de me regarder.
21 Tu as changé ! |Tu t’es rendu cruel |à mon égard !
Avec la force de ta main, |tu t’acharnes sur moi !
22 Tu m’as fait enlever |sur les chevaux du vent,
et tu me fais tanguer |au sein de l’ouragan.
23 Je ne le sais que trop : |tu me mènes à la mort,
au lieu de rendez-vous |de tout être vivant.
24 Mais celui qui périt |ne tend-il pas la main ?
Celui qui est dans le malheur |ne crie-t-il pas ?
25 N’ai-je pas autrefois pleuré |avec ceux dont la vie est dure,
n’ai-je pas compati |à la peine du pauvre.
26 J’espérais le bonheur, |et le malheur est arrivé,
j’attendais la lumière |et les ténèbres sont venues.
27 Tout mon être intérieur |bouillonne sans relâche.
Des jours d’affliction m’ont atteint.
28 Je m’avance, l’air sombre, |et sans voir le soleil.
Au milieu de la foule |je me dresse et je hurle.
29 C’est comme si j’étais |un frère du chacal
ou un compagnon de l’autruche[o].
30 Ma peau noircit sur moi,
mes os sont consumés |par le feu de la fièvre.
31 Ma lyre ne sert plus |que pour des airs funèbres,
ma flûte n’accompagne |que le chant des pleureurs.
Footnotes
- 29.6 Images classiques de la prospérité : le roc désigne le pressoir d’olives dont la base d’où s’écoulait l’huile était faite en pierre.
- 29.7 Le conseil des notables siégeait sur la place publique près des portes de la ville. Ce conseil fonctionnait aussi comme tribunal. Les v. 7-10 illustrent les habitudes de politesse orientale.
- 29.8 Jusqu’à ce que Job se soit assis.
- 29.16 Autre traduction : les cas que je ne savais pas trancher.
- 29.18 D’autres comprennent : comme le phœnix, oiseau légendaire qui vivait 500 ans puis brûlait avec son nid pour renaître aussitôt de ses cendres. L’ancienne version grecque a : comme le palmier.
- 29.21 Suite des v. 7-10.
- 29.24 Autre traduction : ils ne négligeaient aucun signe favorable sur mon visage.
- 30.4 Cette herbe salée est parfois identifiée à l’arroche qui pousse sur les rives de la mer Morte.
- 30.5 A cause des méfaits qu’ils ont commis.
- 30.12 Autre traduction : Ces gamins.
- 30.12 Pour accuser Job. L’accusateur se place à la droite de l’accusé au tribunal (Ps 109.6 ; Za 3.1).
- 30.16 Autre traduction : je me lamente sur moi-même.
- 30.17 mes nerfs : autre traduction : mes douleurs.
- 30.18 il s’agrippe à mon vêtement : d’après l’ancienne version grecque ; le texte hébreu traditionnel a : Dieu devient pour moi comme un vêtement.
- 30.29 En faisant entendre des cris qui ressemblent à ceux de ces animaux ; même image en Mi 1.8.
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